La vengeance est un plat qui se mange froid, surtout quand le commun, la populace, dans une réunion précédente, a osé faire peur aux élus bien sous tous rapports.
De belles personnes n'ayant aucun scrupule à la manipulation pour arriver à leur fin. Une organisation bien huilée, ayant visiblement dispatché et répété le rôle de chacun avant cette réunion fatidique.
Leur but ? Un projet d'installation d'un centre d'hébergement d’urgence pour personnes sans-logement, il sera sur un terrain, rue de la Montagne Verte. Comme à leur habitude, nos politiques ont trouvé l'emplacement adéquat : pollué et inondable. Les habitants de la Montagne-Verte sans pouvoir décisionnel ont dû endosser l'habit de l'égoïste, un tantinet raciste. Une parfaite réussite municipale.
Comment reprendre la main
dans les réunions contre un public hostile ?
Voici la recette, la marque de fabrique de ce mandat.
D'abord, dépayser le lieu de la rencontre. Certaines personnes de
la Montagne Verte seront moins motivées pour y participer.
Battre le rappel des fidèles de la mairie pour phagocyter la réunion, ainsi, on
pourra donner un avis différent de ceux opposés au projet.
Proposer à ses troupes des angles d'attaque, le but étant de
dénoncer les râleurs comme de mauvaises personnes sans cœur, voire
racistes.
Faire un grand barrage de tables devant le public, avec de
nombreux élus et représentants de la mairie. C'est assez
impressionnant et dissuasif contre toute éventuelle rébellion.
Disséminer des taupes sur les bancs, créer le chaos pour que les
opposants ne sachent pas où ils en sont ni avec qui.
Toujours avoir
un exutoire pour se dépatouiller en cas de difficulté, puisque l'État est l'une des cibles préférées de la mairie.
Pour conclure, il faut employer le mot « respect » dès que possible et le mettre à toutes les sauces. Il
fallait oser, devant des habitants ignorés et méprisés. Certains élus strasbourgeois osent tout, c'est même à cela qu'on les reconnait.
Le spectacle, car c'en est un, peut commencer.
La réunion du 11 juin.
À la suite de la déroute des élus devant des riverains
vindicatifs pendant la réunion du 27 mai, en voici une nouvelle sur le mode « maitresse d'école autoritaire » prête à punir les
vilains chenapans. On va les mater, ces habitants ne voulant pas un
supplément de « misère du monde ». La salle est bondée, c'est même
impressionnant. Les 250 chaises des invités étant à quelques
exceptions près occupées.
La longue tablée des élus l'est aussi, c'est presque intimidant.
Ce n'est pas anodin et certainement voulu. Les adjoints et le
personnel de la mairie ont retrouvé de leur superbe. Tel un Adrien
Zeller de la belle époque, l'adjointe Nadia Zourgui arrive en
retard. Rien de mieux pour montrer son importance.
La salle est prête, ça va chauffer.
On avertit les éventuels
garnements de la salle.
Le « chauffeur » de la salle prévient tout ce petit monde et
cela commence fort :
« On vous remercie pour votre présence et, en tout cas, soyez
les bienvenus pour cette réunion qui aura lieu ce soir. Et... en
toute quiétude, on espère que cela sera bien dans un échange
respectueux. »
Ce mot, respectueux, sera l'un des plus employés par la
petite troupe de la mairie.
On laisse la place à l'adjointe Carole Zielinski, un choix non
anodin, étant experte pour mener les débats difficiles. « Je ferai
tout simplement l'animation de ce temps d'échange, de cette réunion
d'information. » Information est le second mot important de
la soirée.
Suzanne Brolly, vice-présidente écologiste de l'Eurométropole
de Strasbourg ayant changé d'avis après son article dans le journal
"le Monde", est présente.
Rappelons-nous : « Dans un contexte de
crise du logement, avec un déficit de logements abordables, il n'est
pas acceptable qu'il y ait de la vacance » !
La voici reniant ce beau principe pour sauver ce projet municipal.
N'oublions pas, dans ce surnombre d'employés et d'élus attablés
ou disséminés dans la salle, l'adjoint Pierre Ozenne, notre pompier
de service, un tantinet pyromane pour ses interlocuteurs.
L'adjointe Floriane Varieras, la porteuse du projet, a elle
aussi, des comptes à régler avec les habitants de la Montagne
Verte, elle ne s'en privera pas.
L'absence de l'État à
cette réunion, du pain bénit pour la municipalité.
Carole Zielinski désigne déjà son exutoire préféré : l'État et la préfecture :
« Je dois excuser la non-présence de
l'État. Comme vous le savez, ce projet est porté par la ville de
Strasbourg et par l'État également. C'est une compétence de
l'État, de l'hébergement. Malheureusement, avec les nouvelles élections qui arrivent sous peu de... Oui,
des législatives qui arrivent... l'État n'a pas souhaité être présent ce soir ».
La mairie est heureusement
là.
« Et, donc, dans ce contexte-là, nous
souhaitions organiser cette réunion d'information. D'abord pour vous
donner la parole, pour bien vous entendre sur les inquiétudes, les
remarques, les questions que vous avez. Peut-être des sujets en
particulier que vous voulez que nous accomplissions ensemble... »
Un petit rappel :
« Évidemment, les différences d'avis
sont parfaitement entendables. Tout simplement, la question de
l'échange qui va se passer sera de se faire dans le respect,
l'écoute et l'écoute de toutes et tous, de vous comme de nous... »
Une rapide présentation du
projet avant les questions.
Il s'agit d'un projet de création d'un centre familial
d'hébergement et d'un centre professionnel pour 15 familles, 80 personnes. Il sera porté par la
préfecture et à l'occasion d'une insertion professionnelle pour des
familles réfugiées étant sur le territoire de Strasbourg et de
l'Eurométropole...
Pensée comme éphémère, cette installation sera financée par
l’État (environ 600 000 € par an) sur un terrain de 2 000 m2
proposé par la Ville.
La construction de type Algeco devra disparaitre dans dix ans.
Selon la mairie, cette réversibilité totale découle du terrain
appartenant à la ceinture verte.
Enfin, les questions du
public fusent respectueusement, il va de soi.
« Vous disiez, il y a quelque temps,
qu'il n'y avait pas forcément de fonds publics pour améliorer la
sécurité dans le quartier. Comment comptez-vous, en ce cas
l'améliorer dans ce contexte ? »
« Au tout début de la présentation du
projet, vous avez parlé de 5 ans, d'un projet temporaire de 5 ans,
10 ans maximum. On voit 10 ans sur le tableau. Par conséquent, je
pense que ce sera 20 ans ? »
« Vu la gravité politique actuelle,
l'absence de l'État aujourd'hui, je propose un moratoire sur ce
projet ! »
« Ma question, c'est de savoir comment
l'écologie d'aujourd'hui n'est pas pour réhabiliter les nombreux
bâtiments abandonnés appartenant à la ville. Pourquoi le budget
n'est-il pas fait pour réhabiliter ces bâtiments plutôt que de
mettre des Algeco sur le terrain ? »
« Cela fait une quinzaine d'années que
j'habite dans ce quartier. Je l'ai connu sans les espaces verts, je
le connais aujourd'hui avec. Malheureusement, tous
les week-ends, il y a des seringues et des bouteilles de bonbonne
de glace. Je comprends que des familles ont besoin d'être hébergées.
Est-ce le bon endroit ? »
« Les écoles sont saturées et ont le
plus fort taux d'absentéisme de Strasbourg. Comment allez-vous
intégrer ces nouveaux habitants ? Vous parliez de 10 à 20 enfants.
Pour 15 familles, il y a donc au minimum 15 enfants. Votre solution
pour 10 enfants semble intenable. »
Les critiques continuent sur les mêmes
thèmes, la mairie répliquera en faisant barrage. Ainsi, elle veut
bien écouter et communiquer tout en campant sur ses positions.
La réplique de la
municipalité est cinglante.
Après de longues litanies explicatives, nous avons droit à un
petit cours de morale de Floriane Varieras.
« La loi oblige l'égalité... Liberté, égalité, fraternité ! Je voulais insister
sur le mot égalité. Et, donc nous voilà... »
La leçon aux habitants de la Montagne Verte continue, les autres quartiers ont
aussi leurs centres d'hébergement. Tous ? Les riverains semblent
dubitatifs.
Les « pour » et les «
contre » disposés comme à l'Assemblée nationale.
D'abord, dans l'attente, les proches de la mairie vont répliquer,
désarçonnant les riverains étonnés. Bien sûr, la suspicion de
racisme est mise en avant pour clore toute sorte de débat.
Les agents dormants, disposés dans toute la salle et surtout à
sa gauche, se mettent en branle.
Un jeune homme a son mot à dire, est-il du quartier comme il
paraît l'indiquer ? Les riverains s'interrogent, on ne le connait
pas.
« Bonsoir, merci beaucoup pour cette
présentation. J'habite dans ce quartier également, Montagne-Verte,
près du projet, et je m'interroge sur le sentiment d'insécurité
qui a l'air d'être presque général, je dirais. Personnellement, je
ne l'ai pas ressenti. Je voulais savoir s'ils se basaient sur des
données chiffrées de délits enregistrés, démontrant une
augmentation réelle de l'insécurité. »
Et, voici une strasbourgeoise n'habitant pas la Montagne Verte :
« Je n'ai pas forcément de questions,
mais un témoignage à apporter. Ainsi, je fais partie d'une
association qui accompagne les réfugiés à Strasbourg. Et, je peux
entendre les inquiétudes, évidemment. Mais, il faut savoir quand
même que ces « gens-là » ont des ressources et des compétences,
notamment professionnelles. Ce sont des personnes qui étaient
journalistes dans leur pays, qui étaient médecins, et aussi
universitaires. Donc, je pense qu'on peut aussi considérer que ces
personnes-là peuvent apporter des ressources et leurs compétences,
et les mettre au service du quartier. »
L'objectif est de salir les habitants de la Montagne Verte par
escarmouches pour les finir à l'artillerie lourde.
Les voici ennuyés dans leurs baskets et devant se justifier.
« J'habite ici depuis 33 ans. Je
considère que je le connais mieux le quartier que la plupart d'entre
vous, assis en face de moi. Et, je sais ce qu'on s'est pris. Nous
sommes dans un quartier populaire. Nous estimons à peu près à 30%
les structures sociales. Par ailleurs, j'entends tout à fait ce que
madame a dit. Mais nous avons prouvé notre solidarité, à maintes
reprises, par des actions sociales de l'Association Porte de la
Montagne. De plus, nous avons insisté et demandé des sanitaires
parce qu'il n'y en avait pas pour les sans-abris. Par conséquent, ne
nous faites pas dire ce que nous ne voulons pas dire et surtout ce
que nous ne pensons pas. »
Mais, le mal est fait. Les élus et les employés de la mairie,
leurs affidés ont gagné.
Aucune transparence
esquissée.
Le débat s'achève, montrant que les études ont été tenues à
l'écart des habitants. Ces derniers répliquent.
« On a déjà vu des esquisses du
projet. Je ne pense pas que ce soit le journaliste qui ait dessiné
les esquisses que nous avons vues. Donc, on se pose vraiment des
questions sur la transparence et sur le respect. En vérité, ce que
nous demandons en termes de concertation, c'est que vous nous
transmettiez les études des terrains nus sur la ville que vous avez
étudiée. Pour ce que nous comprenions pourquoi ce terrain-là a
finalement été décidé comme un des meilleurs de tout Strasbourg
et de toute l'Eurométropole. »
La réponse de la mairie est étonnante.
« Il est normal que l'on ne vous
présente pas d'esquisses. Puisque, c'est aujourd'hui qu'on définit
le cahier des charges qui va nous permettre de consulter des
candidats qui nous proposeront des esquisses. »
La messe est dite, avec bien sûr, le respect dû à une mairie, elle-même non
respectueuse des habitants de la Montagne Verte.
La réunion se termine, une dame parvient à prendre le micro en
se faisant (respectueusement) réprimander. Sa question est simple : « était-ce déjà acté avant la réunion ? »
La réponse dont les habitants se doutaient depuis le tout début de la
réunion est enfin lâchée :
« Oui, c'est un projet qui est décidé,
un projet réversible décidé, c'est-à-dire que dans 10 ans, il n'y
aura plus rien. »
Nous sommes bien dans l'information, non dans la concertation,
l'opacité contre les habitants impactés, ayant uniquement le droit
de protester, ne pouvant interférer dans une décision actée et, cerise sur le gâteau, en se faisant par-dessus le marché traiter de racistes.
Moralité, si on vous
demande le respect, exigez que ce soit réciproque.
La salle se vide, les riverains ayant compris qu'ils ont été
roulés dans la farine partent sans profiter du vin d'honneur, façon
de parler... la municipalité pavoise, ce sera double tournée de jus
de pomme au bar. On projette de fêter cela à l'association aidant les réfugiés. La vie est de nouveau belle.
Un élu de l'opposition les observe, c'est Pierre Jakubowicz.
Voici sa synthèse de cette réunion.
« C'était d'une réunion très
descendante où on a refusé de donner les vraies informations aux
habitants. On dit qu'il y a des enjeux sur la pollution des sols,
mais on ne communique pas en transparence l'étude sur la pollution
des sols.
De plus, on dit qu'il y a un cahier des
charges quasiment finalisé, mais on n'a pas échangé avec les
habitants pour potentiellement l'adapter ou le modifier. De plus, on
est très flou sur la typologie des hébergés accueillis et la
manière dont ils seront accompagnés. Il n'y a pas d'études
d'impact social. Quand la question a été posée sur la
scolarisation des enfants pris en charge, là aussi, on a fait la
réponse de l'Elsau, où il n'y a pas assez de place dans un quartier
déjà en grande difficulté. Et donc, on a bien vu que c'était une
réunion pour essayer de noyer les colères. On avait fait venir des
militants et des amis de la municipalité pour poser des questions
orientées et tenter de faire la claque en fond de salle.
Mais, je pense que sur des sujets aussi
sensibles, nous devons avoir encore plus de dialogues et de
co-construction. Que les projets soient viables simultanément pour
les habitants des quartiers concernés, mais également pour les
publics accueillis parce que, entasser des familles sur un terrain
pollué, dans des quartiers en difficultés, où il y a
des problèmes d'insécurité, pas de services, pas de commerce, pas
de places scolaires. On renforce la fragilité du quartier et les parcours de vie accidentés. Donc, c'est du n'importe
quoi. Il faut le maximum de sérieux et de précaution pour construire les choses d'une manière réfléchie. Et
là, on voit bien que ce n'est pas un projet construit
intelligemment, c'est un projet opportuniste. On a un terrain vacant,
on court à la facilité et puis on se dit, on verra bien après les
implications et les conséquences. Il est bien plus porteur de se
donner les moyens de rénover des logements vacants. Quand on parle
des logements vacants, ils répondent que par des logements du parc privé. Et, en disant oui, il faut que la préfète saisisse.
Mais, il y a du logement vacant, y compris dans le parc public, dans
les biens de la ville, et dans le parc social d'habitation
moderne, d'Ophéa …
Je pense qu'il serait beaucoup plus
intelligent de jouer une double utilité, de rénover des logements
vacants et de faire des hébergements d'urgence dans des structures
pérennes et dures et de lier les deux. »
Maxime Gruber