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Quand la vérité n’est pas libre, la liberté n’est pas vraie. "Jacques Prévert"
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samedi 15 juin 2024

La mairie de Strasbourg rosse la Montagne Verte.

 

La mairie de Strasbourg rosse la Montagne Verte.


« Liberté-Fraternité-(Ir)respect ! »
La nouvelle devise de la mairie de Strasbourg, l'ayant faite à l'envers aux habitants du quartier…


La vengeance est un plat qui se mange froid, surtout quand le commun, la populace, dans une réunion précédente, a osé faire peur aux élus bien sous tous rapports.

De belles personnes n'ayant aucun scrupule à la manipulation pour arriver à leur fin. Une organisation bien huilée, ayant visiblement dispatché et répété le rôle de chacun avant cette réunion fatidique.

Leur but ? Un projet d'installation d'un centre d'hébergement d’urgence pour personnes sans-logement, il sera sur un terrain, rue de la Montagne Verte. Comme à leur habitude, nos politiques ont trouvé l'emplacement adéquat : pollué et inondable. Les habitants de la Montagne-Verte sans pouvoir décisionnel ont dû endosser l'habit de l'égoïste, un tantinet raciste. Une parfaite réussite municipale.



Comment reprendre la main dans les réunions contre un public hostile ?

Voici la recette, la marque de fabrique de ce mandat.

D'abord, dépayser le lieu de la rencontre. Certaines personnes de la Montagne Verte seront moins motivées pour y participer.

Battre le rappel des fidèles de la mairie pour phagocyter la réunion, ainsi, on pourra donner un avis différent de ceux opposés au projet.

Proposer à ses troupes des angles d'attaque, le but étant de dénoncer les râleurs comme de mauvaises personnes sans cœur, voire racistes.

Faire un grand barrage de tables devant le public, avec de nombreux élus et représentants de la mairie. C'est assez impressionnant et dissuasif contre toute éventuelle rébellion. Disséminer des taupes sur les bancs, créer le chaos pour que les opposants ne sachent pas où ils en sont ni avec qui.

Toujours avoir un exutoire pour se dépatouiller en cas de difficulté, puisque l'État est l'une des cibles préférées de la mairie.

Pour conclure, il faut employer le mot « respect » dès que possible et le mettre à toutes les sauces. Il fallait oser, devant des habitants ignorés et méprisés. Certains élus strasbourgeois osent tout, c'est même à cela qu'on les reconnait.

Le spectacle, car c'en est un, peut commencer.

La réunion du 11 juin.

À la suite de la déroute des élus devant des riverains vindicatifs pendant la réunion du 27 mai, en voici une nouvelle sur le mode « maitresse d'école autoritaire » prête à punir les vilains chenapans. On va les mater, ces habitants ne voulant pas un supplément de « misère du monde ». La salle est bondée, c'est même impressionnant. Les 250 chaises des invités étant à quelques exceptions près occupées.

La longue tablée des élus l'est aussi, c'est presque intimidant. Ce n'est pas anodin et certainement voulu. Les adjoints et le personnel de la mairie ont retrouvé de leur superbe. Tel un Adrien Zeller de la belle époque, l'adjointe Nadia Zourgui arrive en retard. Rien de mieux pour montrer son importance.

La salle est prête, ça va chauffer.

On avertit les éventuels garnements de la salle.

Le « chauffeur » de la salle prévient tout ce petit monde et cela commence fort :

« On vous remercie pour votre présence et, en tout cas, soyez les bienvenus pour cette réunion qui aura lieu ce soir. Et... en toute quiétude, on espère que cela sera bien dans un échange respectueux. »

Ce mot, respectueux, sera l'un des plus employés par la petite troupe de la mairie.

On laisse la place à l'adjointe Carole Zielinski, un choix non anodin, étant experte pour mener les débats difficiles. « Je ferai tout simplement l'animation de ce temps d'échange, de cette réunion d'information. » Information est le second mot important de la soirée.

Suzanne Brolly, vice-présidente écologiste de l'Eurométropole de Strasbourg ayant changé d'avis après son article dans le journal "le Monde", est présente.

Rappelons-nous : « Dans un contexte de crise du logement, avec un déficit de logements abordables, il n'est pas acceptable qu'il y ait de la vacance » !

La voici reniant ce beau principe pour sauver ce projet municipal.

N'oublions pas, dans ce surnombre d'employés et d'élus attablés ou disséminés dans la salle, l'adjoint Pierre Ozenne, notre pompier de service, un tantinet pyromane pour ses interlocuteurs.

L'adjointe Floriane Varieras, la porteuse du projet, a elle aussi, des comptes à régler avec les habitants de la Montagne Verte, elle ne s'en privera pas.

L'absence de l'État à cette réunion, du pain bénit pour la municipalité.

Carole Zielinski désigne déjà son exutoire préféré : l'État et la préfecture :

« Je dois excuser la non-présence de l'État. Comme vous le savez, ce projet est porté par la ville de Strasbourg et par l'État également. C'est une compétence de l'État, de l'hébergement. Malheureusement, avec les nouvelles élections qui arrivent sous peu de... Oui, des législatives qui arrivent... l'État n'a pas souhaité être présent ce soir ».

La mairie est heureusement là.

« Et, donc, dans ce contexte-là, nous souhaitions organiser cette réunion d'information. D'abord pour vous donner la parole, pour bien vous entendre sur les inquiétudes, les remarques, les questions que vous avez. Peut-être des sujets en particulier que vous voulez que nous accomplissions ensemble... »

Un petit rappel :

« Évidemment, les différences d'avis sont parfaitement entendables. Tout simplement, la question de l'échange qui va se passer sera de se faire dans le respect, l'écoute et l'écoute de toutes et tous, de vous comme de nous... »

Une rapide présentation du projet avant les questions.

Il s'agit d'un projet de création d'un centre familial d'hébergement et d'un centre professionnel pour 15 familles, 80 personnes. Il sera porté par la préfecture et à l'occasion d'une insertion professionnelle pour des familles réfugiées étant sur le territoire de Strasbourg et de l'Eurométropole...

Pensée comme éphémère, cette installation sera financée par l’État (environ 600 000 € par an) sur un terrain de 2 000 m2 proposé par la Ville.

La construction de type Algeco devra disparaitre dans dix ans. Selon la mairie, cette réversibilité totale découle du terrain appartenant à la ceinture verte.

Enfin, les questions du public fusent respectueusement, il va de soi.

« Vous disiez, il y a quelque temps, qu'il n'y avait pas forcément de fonds publics pour améliorer la sécurité dans le quartier. Comment comptez-vous, en ce cas l'améliorer dans ce contexte ? »

« Au tout début de la présentation du projet, vous avez parlé de 5 ans, d'un projet temporaire de 5 ans, 10 ans maximum. On voit 10 ans sur le tableau. Par conséquent, je pense que ce sera 20 ans ? »

« Vu la gravité politique actuelle, l'absence de l'État aujourd'hui, je propose un moratoire sur ce projet ! »

« Ma question, c'est de savoir comment l'écologie d'aujourd'hui n'est pas pour réhabiliter les nombreux bâtiments abandonnés appartenant à la ville. Pourquoi le budget n'est-il pas fait pour réhabiliter ces bâtiments plutôt que de mettre des Algeco sur le terrain ? »

« Cela fait une quinzaine d'années que j'habite dans ce quartier. Je l'ai connu sans les espaces verts, je le connais aujourd'hui avec. Malheureusement, tous les week-ends, il y a des seringues et des bouteilles de bonbonne de glace. Je comprends que des familles ont besoin d'être hébergées. Est-ce le bon endroit ? »

« Les écoles sont saturées et ont le plus fort taux d'absentéisme de Strasbourg. Comment allez-vous intégrer ces nouveaux habitants ? Vous parliez de 10 à 20 enfants. Pour 15 familles, il y a donc au minimum 15 enfants. Votre solution pour 10 enfants semble intenable. »

Les critiques continuent sur les mêmes thèmes, la mairie répliquera en faisant barrage. Ainsi, elle veut bien écouter et communiquer tout en campant sur ses positions.

La réplique de la municipalité est cinglante.

Après de longues litanies explicatives, nous avons droit à un petit cours de morale de Floriane Varieras.

« La loi oblige l'égalité... Liberté, égalité, fraternité ! Je voulais insister sur le mot égalité. Et, donc nous voilà... »

La leçon aux habitants de la Montagne Verte continue, les autres quartiers ont aussi leurs centres d'hébergement. Tous ? Les riverains semblent dubitatifs.

Les « pour » et les « contre » disposés comme à l'Assemblée nationale.

D'abord, dans l'attente, les proches de la mairie vont répliquer, désarçonnant les riverains étonnés. Bien sûr, la suspicion de racisme est mise en avant pour clore toute sorte de débat.

Les agents dormants, disposés dans toute la salle et surtout à sa gauche, se mettent en branle.

Un jeune homme a son mot à dire, est-il du quartier comme il paraît l'indiquer ? Les riverains s'interrogent, on ne le connait pas.

« Bonsoir, merci beaucoup pour cette présentation. J'habite dans ce quartier également, Montagne-Verte, près du projet, et je m'interroge sur le sentiment d'insécurité qui a l'air d'être presque général, je dirais. Personnellement, je ne l'ai pas ressenti. Je voulais savoir s'ils se basaient sur des données chiffrées de délits enregistrés, démontrant une augmentation réelle de l'insécurité. »

Et, voici une strasbourgeoise n'habitant pas la Montagne Verte :

« Je n'ai pas forcément de questions, mais un témoignage à apporter. Ainsi, je fais partie d'une association qui accompagne les réfugiés à Strasbourg. Et, je peux entendre les inquiétudes, évidemment. Mais, il faut savoir quand même que ces « gens-là » ont des ressources et des compétences, notamment professionnelles. Ce sont des personnes qui étaient journalistes dans leur pays, qui étaient médecins, et aussi universitaires. Donc, je pense qu'on peut aussi considérer que ces personnes-là peuvent apporter des ressources et leurs compétences, et les mettre au service du quartier. »

L'objectif est de salir les habitants de la Montagne Verte par escarmouches pour les finir à l'artillerie lourde.

Les voici ennuyés dans leurs baskets et devant se justifier.

« J'habite ici depuis 33 ans. Je considère que je le connais mieux le quartier que la plupart d'entre vous, assis en face de moi. Et, je sais ce qu'on s'est pris. Nous sommes dans un quartier populaire. Nous estimons à peu près à 30% les structures sociales. Par ailleurs, j'entends tout à fait ce que madame a dit. Mais nous avons prouvé notre solidarité, à maintes reprises, par des actions sociales de l'Association Porte de la Montagne. De plus, nous avons insisté et demandé des sanitaires parce qu'il n'y en avait pas pour les sans-abris. Par conséquent, ne nous faites pas dire ce que nous ne voulons pas dire et surtout ce que nous ne pensons pas. »

Mais, le mal est fait. Les élus et les employés de la mairie, leurs affidés ont gagné.

Aucune transparence esquissée.

Le débat s'achève, montrant que les études ont été tenues à l'écart des habitants. Ces derniers répliquent.

« On a déjà vu des esquisses du projet. Je ne pense pas que ce soit le journaliste qui ait dessiné les esquisses que nous avons vues. Donc, on se pose vraiment des questions sur la transparence et sur le respect. En vérité, ce que nous demandons en termes de concertation, c'est que vous nous transmettiez les études des terrains nus sur la ville que vous avez étudiée. Pour ce que nous comprenions pourquoi ce terrain-là a finalement été décidé comme un des meilleurs de tout Strasbourg et de toute l'Eurométropole. »

La réponse de la mairie est étonnante.

« Il est normal que l'on ne vous présente pas d'esquisses. Puisque, c'est aujourd'hui qu'on définit le cahier des charges qui va nous permettre de consulter des candidats qui nous proposeront des esquisses. »

La messe est dite, avec bien sûr, le respect dû à une mairie, elle-même non respectueuse des habitants de la Montagne Verte.

La réunion se termine, une dame parvient à prendre le micro en se faisant (respectueusement) réprimander. Sa question est simple : « était-ce déjà acté avant la réunion ? »

La réponse dont les habitants se doutaient depuis le tout début de la réunion est enfin lâchée :

« Oui, c'est un projet qui est décidé, un projet réversible décidé, c'est-à-dire que dans 10 ans, il n'y aura plus rien. »

Nous sommes bien dans l'information, non dans la concertation, l'opacité contre les habitants impactés, ayant uniquement le droit de protester, ne pouvant interférer dans une décision actée et, cerise sur le gâteau, en se faisant par-dessus le marché traiter de racistes. 

Moralité, si on vous demande le respect, exigez que ce soit réciproque.

La salle se vide, les riverains ayant compris qu'ils ont été roulés dans la farine partent sans profiter du vin d'honneur, façon de parler... la municipalité pavoise, ce sera double tournée de jus de pomme au bar. On projette de fêter cela à l'association aidant les réfugiés. La vie est de nouveau belle.

Un élu de l'opposition les observe, c'est Pierre Jakubowicz. Voici sa synthèse de cette réunion.

« C'était d'une réunion très descendante où on a refusé de donner les vraies informations aux habitants. On dit qu'il y a des enjeux sur la pollution des sols, mais on ne communique pas en transparence l'étude sur la pollution des sols.

De plus, on dit qu'il y a un cahier des charges quasiment finalisé, mais on n'a pas échangé avec les habitants pour potentiellement l'adapter ou le modifier. De plus, on est très flou sur la typologie des hébergés accueillis et la manière dont ils seront accompagnés. Il n'y a pas d'études d'impact social. Quand la question a été posée sur la scolarisation des enfants pris en charge, là aussi, on a fait la réponse de l'Elsau, où il n'y a pas assez de place dans un quartier déjà en grande difficulté. Et donc, on a bien vu que c'était une réunion pour essayer de noyer les colères. On avait fait venir des militants et des amis de la municipalité pour poser des questions orientées et tenter de faire la claque en fond de salle.

Mais, je pense que sur des sujets aussi sensibles, nous devons avoir encore plus de dialogues et de co-construction. Que les projets soient viables simultanément pour les habitants des quartiers concernés, mais également pour les publics accueillis parce que, entasser des familles sur un terrain pollué, dans des quartiers en difficultés, où il y a des problèmes d'insécurité, pas de services, pas de commerce, pas de places scolaires. On renforce la fragilité du quartier et les parcours de vie accidentés. Donc, c'est du n'importe quoi. Il faut le maximum de sérieux et de précaution pour construire les choses d'une manière réfléchie. Et là, on voit bien que ce n'est pas un projet construit intelligemment, c'est un projet opportuniste. On a un terrain vacant, on court à la facilité et puis on se dit, on verra bien après les implications et les conséquences. Il est bien plus porteur de se donner les moyens de rénover des logements vacants. Quand on parle des logements vacants, ils répondent que par des logements du parc privé. Et, en disant oui, il faut que la préfète saisisse. Mais, il y a du logement vacant, y compris dans le parc public, dans les biens de la ville, et dans le parc social d'habitation moderne, d'Ophéa …

Je pense qu'il serait beaucoup plus intelligent de jouer une double utilité, de rénover des logements vacants et de faire des hébergements d'urgence dans des structures pérennes et dures et de lier les deux. »



Maxime Gruber

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