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jeudi 22 juin 2023

L'enfant prodige...

Le retour d’un enfant prodige, le Pinot Noir d’Alsace.

Son passé est lointain et ombrageux, un survivant qui a connu de nombreux conflits, l’hégémonie de la bière, mais également du vin blanc, sans compter les concurrents venant de Bourgogne et d’ailleurs.

Pourtant, tout avait bien commencé, on parle de légionnaires romains apportant de la vigne qui se propageât dans toute la Gaule et même en Alsace. L’ancêtre du Pinot Noir était prêt à faire des rejetons même si le vin du sud comme ceux de Narbonne et d’Espagne restaient dans l’ordinaire des garnisons.

Puis, avec la chute de Rome, les tribus germaniques ne voient pas d’intérêt au vin, préférant la bière, de plus les routes maritimes sont tenues par les vikings et le sud de la France par les sarrasins.

L’ère de l’autarcie, donc du vin alsacien a enfin sa chance, au Haut Moyen Âge, les ordres monastiques implantés en Alsace s’intéressent au Pinot Noir qui selon leurs registres venait de Bourgogne, ce raisin côtoie nombre d'autres variétés produisant du vin rouge… et blanc.

Les vins Alsaciens ont une réputation élevée et s'exportent dans les pays nordiques, le vignoble au 16ᵉ siècle est deux fois plus grand que de nos jours et a même une appellation « précurseuse » d'origine contrôlée. La guerre de trente ans arrêta net la culture de la vigne, laissant les coudées franches à la Bourgogne et au Bordelais. Cahin-caha le vignoble alsacien se reconstitua, mais l’habitude de faire du vin rouge deviendra jusqu’au XX ème siècle assez rare et très localisé, principalement à Ottrott, Marlenheim et Rodern…




La quantité au détriment de la qualité, le point de vue allemand.

Puis nos amis prussiens amateurs de bière revinrent bivouaquer en Alsace, s’octroyant ainsi la plus grande région viticole du nouvel empire allemand. Ne sachant que faire de tout ce vin, mais aimant la production industrielle, la qualité est sacrifiée à la quantité tout en réduisant le vignoble. En 1918, la loi allemande du 7 avril 1909 sur les vins est toujours appliquée, laissant les choses en état. Après la Seconde Guerre mondiale, tout est remis à plat par des décrets :
L’appellation d’origine contrôlée apparaît le 3 octobre 1962, le « AOC » le 30 juin 1971 et le grand cru le 20 novembre 1975.
Le changement est enfin en cours : les efforts sont orientés vers la production de vins de meilleure qualité, la communication commençant à insister sur la notion de terroir.

La montée en puissance du vin alsacien.

Comment était perçu le vin alsacien dans les années 1970 ? Mal, il faut l’avouer, et avec des aprioris, même chez les vendeurs de vin.
Mon premier souvenir remonte à cette époque, jeune adulte, on m’invita à déguster des huîtres agrémentées d’un sylvaner à la couleur terne. L’étiquette en forme du mollusque et l’indication, "vin pour les huitres", m’inquiéta au plus haut point et j'eus bien raison. Je décidai d’oublier le vin d’Alsace après cette expérience des plus navrantes.
Une décennie plus tard, ce fut la révélation : on me proposa de déguster un riesling, un premier grand cru en Alsace, du Domaine Weinbach appartenant à la famille Faller situé au Kaysersberg. Un vin extraordinaire, extrêmement équilibré et complexe, avec des arômes de fruits jaunes… Pour finir en beauté, on dégusta un Gewurztraminer Grand Cru Furstentum, une grande densité : son goût de rose, je dirai de litchi légèrement épicé, avec une belle minéralité. J’étais irrévocablement conquis.
On me proposa de me faire découvrir aussi les vins du Bas-Rhin, charpentés et plus minéral, aux notes subtiles de terroir, dont le domaine Roland Schmitt à Bergbieten et sans oublier l’incontournable Domaine Frédéric Mochel, à Traenheim. J’avoue avoir trouvé mon compte et mon plaisir.

Et, le Pinot Rouge ?

Il s’était bien caché le bougre ! Mais le voilà ! Comment l’ai-je personnellement découvert ? Pendant un dîner d’affaires, il y a déjà quelques années, on avait la visite d’un cadre parisien aimant le vin. Pour l’épater, le directeur commanda un Pinot Noir d’Alsace dont je ne me souviens pas de quel domaine, peut être un Blanck ou un Muré.

Ce fut une belle dégustation, une magnifique robe rouge grenat, un nez dans les cerises et la mûre. Le Bourgogne n’était pas loin, mais différent avec une touche subtile dans l’acidité, l’amertume et une bouche dense et soyeuse. Des différences notables qui font du Pinot Noir Alsacien une identité unique et avec déjà une grande maturité qui fait et fera de plus en plus parler de lui.

Maintenant beaucoup de domaines viticoles font leur pinot noir, comme toujours, certains prélaveront sur d’autres, selon vos goûts et selon le budget, mais toujours moindre que certains Bourgognes ou Bordeaux. Le Pinot Noir d’Alsace s’accorde avec la cuisine alsacienne requérant un vin rouge, de même qu’avec la volaille et chapons et le gibier.

Bien sûr, depuis j’ai dégusté et énormément apprécié le Pinot Noir des domaines que j’ai cités, leurs qualités et leurs différences vous plairont et vous aurez vos préférences si ce n’est pas déjà fait.




Blanck, Grand Cru''F'' Pinot Noir (rouge).


René Muré. Pinot Noir V.


Fréderic Mochel.


Roland Schmitt.

Domaine Weinbach.

Pinot Noir Altenbourg

Et, le Pinot Noir Clos des Capucins moins en puissance et plus dans le fruit.




Maxime Gruber
Heb'di  le 2 janvier 2021

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