La méthode Jacques Marescaux ayant tellement fait pour la médecine et Strasbourg est en train de se fissurer.
Le plus étonnant est que les faits dénoncés sont connus depuis bien longtemps, on en faisait même des plaisanteries. Mais, qui oserait faire des reproches au grand professeur ? Il en faudrait des cojones et des appuis… Jacques Marescaux le savait et il en profitait, médecin et chirurgien hospitalier français et membre de l’Académie nationale de chirurgie et de l’Académie nationale de médecine. C'est le fondateur de l’Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (Ircad) » et de l’Institut Hospitalier Universitaire (IHU) qui nous intéressent tant.
De son vivant, il a droit à une bande dessinée pour saluer son parcours exceptionnel !
Cette BD est dithyrambique, le sous-titre est tout simplement : « L’incroyable conquête de l’excellence » !
Le texte de présentation est aussi impressionnant par sa flagornerie :
« Des idées innovantes, une confiance en soi qui balaie tous les obstacles et des rencontres qui ouvrent des portes permettant une « success story » à l’Alsacienne, d’abord régionale puis internationale : le parcours du Pr Jacques Marescaux méritait bien une bande dessinée : « Jacques Marescaux et l’IRCAD »
Comment ne pas péter un plomb, se sentir au-dessus de la mêlée, des contingences humaines et des soucis de paiement ?
Comme la presse régionale était aux ordres, c’est la nationale qui s’étonne du comportement du professeur.
L’actuel directeur de l’Institut Hospitalo-Universitaire Benoît Gallix, voulu et intronisé par… Jacques Marescau, semble bien plus indépendant que ne croyait ce dernier.
Benoît Gallix a écrit ce lundi 20 juin au Parquet national Financier, invoquant « l’article 40 » et la nécessité de saisir la justice.
La gestion de son prédécesseur, Jacques Marescaux, est mise en cause. Celle de Michèle Barzach, ancienne ministre de la Santé de Jacques Chirac, et présidente rémunérée de l’IHU de Strasbourg, à sa création en 2011 jusqu’à sa démission fin 2020, aussi. Benoît Gallix est un ingrat !
« En tant que directeur général de l’IHU Strasbourg le 1er janvier 2020, j’ai découvert ou été témoin de faits susceptibles de constituer des infractions pénales », écrit-il.
Les faits litigieux concerneraient les relations entre l’IHU de Strasbourg et l’Ircad, l’institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (IRCAD) association à but non lucratif de droit privé alsacien-mosellan, créée et présidée par le Pr Jacques Marescaux depuis des décennies. Il est partout.
Des opérations litigieuses…
La première, le projet Hospitel, est un projet d’hébergement des patients dans un hôtel de luxe, propriété d’une filiale de l’Ircad, et largement financé par l’IHU. « La composante scientifique était accessoire », souligne Benoît Gallix dans sa missive au PNF. « Lors de ma prise de fonctions, ce projet a immédiatement retenu mon attention au regard de l’importance des engagements financiers qu’il impliquait d’une part, et de son éloignement des missions de recherche relevant de l’objet social de l’IHU d’autre part. »
Selon Benoît Gallix, l’opération, initialement chiffrée à 2,2 millions d’euros, le projet Hospitel porterait en réalité sur 6,6 millions ! Début 2020, il découvre que les 19 chambres sont déjà meublées alors qu’un appel d’offres encore en cours prévoyait leur ameublement pour 500 000 euros. Il bloque alors l’appel d’offres et fait part de ses réserves à Michèle Barzach, présidente de l’IHU. On peut se demander où va tout cet argent escamoté. Le 11 septembre 2020, il est décidé de lancer un audit sur le projet Hospitel. L’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) rend son rapport fin octobre 2020. « L’étroitesse des liens entre les deux structures, IHU et Ircad, notamment en termes de gouvernance, avec en particulier le cumul par un même dirigeant des fonctions de direction des deux instituts, présente des risques de confusion et de conflits d’intérêts »
La conclusion est terrible : « Le projet Hospitel n’est pas financièrement soutenable au regard des moyens financiers de l’IHU, sous peine de remettre en cause ses activités de recherche », sans compter « un risque financier » et « d’un risque juridique ».
Sentant les ennuis arriver, Michèle Barzach démissionne.
En ligne de mire également : la réhabilitation par l’Ircad d’anciens « haras royaux » transformés en chambres d’hôtel haut de gamme, utilisées par l’IHU notamment pour loger du personnel lors de formations. Benoit Gallix en prenant ses fonctions, a mis en concurrence plusieurs hôtels situés à proximité de l’IHU « obtenant une baisse de 30 % des nuitées ».
Les « coopérations » pour ne pas dire « facturations » de Ircad à l’IHU au bon vouloir de Jacques Marescaux. Ce dernier avait créé « un ensemble en de prestations de services facturées à l’IHU par l’Ircad sous la qualification de “coopération”. »
Il est question de mises à disposition de salles, de matériel, de formations , de fournitures d’animaux de laboratoire, de services informatiques et de refacturations de personnel. « Ces “coopérations” n’ont jamais été formalisées et ont pris la forme de devis ou factures établis au coup par coup, sans politique tarifaire préalablement établie et sans que l’IHU ait le moindre pouvoir de négociation puisque c’était la même personne qui validait les factures pour l’IHU, et fixait les prix pour l’IRCAD », dénonce l’actuel directeur au parquet national financier, déplorant que son prédécesseur, à la tête des deux organismes, signait les chèques en règlement de factures qu’il avait lui-même établies… Sommes en jeu : de 500 000 à 600 000 euros annuels.
« Force est de constater que la réponse administrative a échoué et qu’il revient désormais à la justice d’analyser et, le cas échéant, mettre un terme à ces agissements ainsi qu’à l’hémorragie de financements publics qu’ils provoquent ».
N’étant pas habitué à une telle rébellion, Jacques Marescaux sort un nouvel appui pour essayer d’endiguer Benoît Gallix et de tenter de retrouver un peu d’honneur perdu. Un nouvel administrateur de poids vient d’être nommé très discrètement à l’IHU de Strasbourg, un ami de longue de date de Jacques.La digue sera-t-elle assez solide ?
N’oublions pas que l’Ircad est aussi implanté à Taïwan, au Brésil, au Liban et bientôt au Rwanda, lieu des fêtes de l’ambassadeur. On passe du régional à l’international. Le sujet n’est pas clos, il ne fait que commencer. D’autant que les Alsaciens et leurs collectivités ont généreusement financé les projets successifs de Jacques Marescaux.
Maxime Gruber.